Les habitudes (alimentaires)
Nous sommes des créatures d’habitudes, et notre alimentation n’échappe pas à la règle. Chaque repas contient ses « rituels » et son organisation : temps de cuisson, préparation des légumes, ou encore, organisation de la cuisine, obéissent tous à une même schéma, au travers duquel vos habitudes se développent. Sauter des repas, ou bien manger rapidement entre deux réunions n’échappe pas à la règle : cette manière de faire contient également cette même organisation mentale.
C’est grâce à ces habitudes qu’il est possible de naviguer dans sa journée, et ce sans avoir à se soucier de beaucoup de choses. Votre cerveau peut ainsi, grâce aux habitudes, prioriser les différentes tâches, et vous aider à allouer toute votre énergie aux choses que vous estimez plus importantes. En d’autres termes, il existe une relation inversement proportionnelle entre une habitude et votre capacité à vous concentrer sur une tâche précise. Rappelez-vous vos premières leçons de conduites, et l’énergie qu’il vous fallait pour analyser la route, effectuer vos contrôles, analyser les panneaux routiers, surveiller les feux, et le trafic : quelques années plus tard, c’est parce que tout cela est devenu une seconde nature, qu’il vous est possible d’utiliser votre téléphone pendant que vous conduisez.
Les habitudes se forment dans les ganglions de la base1, et comme nous l’explique Charles Duhigg, dans son livre The Power of Habit2, elles se développent au travers de trois étapes (que l’auteur appelle « boucle d’habitude ») :
- Nous interceptons un signal, par exemple, midi, l’heure de manger ; ou bien encore, dix heures, l’heure de la pause café. Une fois ce signal intercepté, le cerveau bascule en mode « automatique », et les mécanismes liés aux habitudes prennent le dessus.
- S’ensuit une routine, correspondant à l’ensemble des actions apprises. La routine correspond au « cœur » de l’habitude. C’est d’ailleurs cette routine que l’on qualifie d’habitude.
- Enfin, une fois la routine achevée, s’ensuit la récompense : goût du café, effets de la cigarette, sentiment de satiété, etc.
Les ganglions de la base jouent un rôle clé dans le développement des émotions, la mémoire, mais également la reconnaissance des « schémas » au sens large. Les décisions, quant à elles, se situent dans une autre partie du cerveau, le cortex préfrontal3. La relation inversement proportionnelle dont j’ai discuté plus haut correspond en fait à deux zones bien distinctes du cerveau, pour lesquelles l’activité s’alterne en fonction de l’activité effectuée. Le « pouvoir » du cerveau ? Sa capacité à rapidement identifier un environnement, mettre en place un schéma afin de pouvoir transférer une information du cortex préfrontal aux ganglions de la base. Alors que nous ne possédons pas d’explications précises, il semblerait qu’un tel mécanisme soit lié aux mécanismes de survie : tout ce qui est familier est « filtré », afin de pouvoir se concentrer sur le reste, comme un bruit inconnu.
Une habitude correspond donc en fait à une boucle composée de trois étapes ; la dernière, la récompense, renforce l’habitude de base. Souvent cette récompense se « ressent », et c’est grâce à ce ressenti (très souvent positif et agréable) que le cerveau va pouvoir réaffirmer cette habitude ; habitude qui se reproduira sitôt le signal reconnu.
La reconnaissance du signal est quelque chose qui s’acquiert, et cela explique pourquoi les fumeurs augmentent le nombre de cigarettes qu’ils fument chaque jour au fil des années, ou bien, pourquoi le sportif augmente le temps passé à effectuer une activité sportive. Lorsque j’ai commencé à pratiquer une activité physique moi-même, il y a quelques années, je n’étais pas capable de tenir plus de 20 minutes par jour, quelques années plus tard, 3 à 5 heures par semaines me semble être un rythme normal.
Et lorsque l’on discute des habitudes alimentaires, les mêmes étapes se déroulent :
- Le signal correspond à l’heure des repas.
- La routine correspond à la préparation des repas.
- La récompense correspond aux réactions physiologiques et hormonales, provoquant du plaisir, et renforçant l’habitude.
Changer ses habitudes (alimentaires)
Maintenant que nous savons comment les habitudes se font, comment est-il possible de se défaire d’une habitude ? Et est-il possible de « remplacer » une habitude ?
Et bien oui. Pour rappel, une habitude est composée de trois étapes distinctes. Afin de changer l’habitude, il vous faudra changer le signal, et plus précisément sa reconnaissance. Une fois ce schéma rompu, la routine ne se déclenche plus automatiquement. Et c’est la raison pour laquelle il est souvent plus facile de réduire sa consommation de cigarettes en vacances : l’environnement n’est pas le même ; aussi les habitudes ne peuvent de se déclencher. Lorsque vous voulez vous défaire d’une habitude, essayez alors que vous êtes en vacances : vous y arriverez un peu plus facilement.
Lorsque l’on discute des « mauvaises » habitudes alimentaires, qu’entends-t-on au juste ? Selon moi, au moins deux choses :
- Une habitude s’avérant néfaste pour la santé (ne pas manger équilibré, consommer des aliments nocifs pour la santé)
- Une habitude empêchant d’atteindre ses objectifs (trop manger, ne pas prendre le temps de manger lentement, se « remplir », etc.)
Changer ses habitudes va donc consister à remplacer les habitudes identifiées comme « mauvaises », et les remplacer par de meilleures habitudes, c’est à dire, des habitudes permettant d’atteindre vos objectifs. Mais comment faire lorsque l’environnement ne change pas ? Est-il possible de canaliser son stress autrement que par une cigarette ?
Alors que Charles Duhigg propose de changer le signal, nous pensons qu’il faut en fait comprendre pourquoi vous vous trouvez dans le contexte ayant créé l’habitude en premier lieu. En d’autres termes : pourquoi ne prenez-vous pas le temps de cuisiner ? Pourquoi vous retrouvez-vous dans des situations stressantes ? Pourquoi consommez-vous des boissons sucrées à longueur de journée ?
Identifier la cause principale est une manière plus intelligente de ne pas remplacer une béquille par une autre, mais apprendre à marcher. En effet, pour beaucoup d’entre nous, ces mauvaises habitudes font l’effet d’être jeté à l’eau sans savoir nager. Identifier l’environnement et le comprendre, c’est apprendre à nager.
Voici quelques pistes qui vous aideront à changer une « mauvaise » habitude :
- Le grignotage s’élimine souvent en mangeant plus de fibres durant les repas (ralentissant la digestion, donc augmentant la sensation de satiété).
- Bien que la nicotine détende et aide à gérer le stress, thé et musique relaxante en font de même.
Une bonne nuit fera toute la différence sur votre journée. Améliorer la qualité de votre sommeil vous permettra de diminuer stress, fatigue…et grignotage ! Par ailleurs, parce que vous vous sentirez plus en forme, il y a de fortes chances que vous finissiez par pratiquez une activité physique. - Il n’existe fondamentalement rien de vraiment « urgent ». Améliorez votre organisation, et consacrez plus de temps à votre alimentation. E-mails et coups de fils peuvent attendre. Prenez le temps de préparer vos repas, de mâcher ; accordez la même importance à vos repas qu’à votre carrière, ou votre relation.
En pratique
Armé de cette manière de comprendre votre environnement, voici quelques exercices qui vous aideront à changer vos habitudes alimentaires, mais pas que.
1er exercice : gardez le signal, changez la routine
Durant deux semaines, apprenez à décomposer en trois étapes vos habitudes (signal, routine, récompense). Ne changez pas le signal, mais la routine. Par exemple, si vous souhaitez être plus actif, au moment de la pause « café » (signal : 10h 30), sortez faire une marche pendant 10 minutes. La récompense : une grande satisfaction.
2e exercice : changez le signal
Durant deux semaines, perturbez de manière volontaire le signal. Vous pouvez par exemple remplir une bouteille d’eau fraîche que vous garderez à vos côtés. Le fait de voir cette eau vous aidera à en boire plus ; vous réduirez de facto votre consommation de boissons sucrées. Ajoutez plus de légumes durant les repas ; il y a de fortes chances que le grignotage diminue au cours de la journée.
3e exercice : identifiez le signal, résistez à la routine
Durant trois semaines, identifiez ce qui déclenche la routine, et résistez volontairement. Occupez-vous différemment, introduisez quelque chose de nouveau dans votre vie (par exemple, un livre à vos côtés), et ce afin de perturber l’habitude mise en place. Cela vous aidera à prendre rapidement conscience des schémas, et de ne plus succomber à la « mauvaise » routine.
4e exercice : identifiez les causes
Prenez le temps de réfléchir à ce qui vous pousse à effectuer quelque chose qui va à l’encontre de vos objectifs, ou bien, qui s’avère nocif pour votre santé. Prendre conscience de ce qu’il se passe dans votre vie est la première étape. Le changement suit souvent la prise de conscience.
Posez-vous les bonnes questions, et n’hésitez-pas à faire ce qu’il faut pour que vous vous sentiez mieux. Parce que vos habitudes sont en rien une fatalité, analysez votre environnement, et prenez de nouvelles décisions.
5e exercice : nouvelles habitudes
Considérez chaque week-end comme un nouveau départ. Utilisez ces journée de libres pour rééquilibrer votre régime alimentaire. Sautez le restaurant, et profitez-en pour aller au marché. Préparez vos repas à l’avance ; prenez le temps de vous éduquer, et de faire de meilleurs choix alimentaires. Plus vous renforcerez ces habitudes durant les week-ends, et plus vous augmenterez vos chances de répéter les mêmes choix durant la semaine.
Conclusion
En conclusion, les habitudes correspondent à trois étapes : le signal, la routine, et la récompense. La routine fait basculer le cerveau en « mode automatique » ; alors que les tâches nécessitant réflexion et concentration sont gérées par le cortex préfrontal, les habitudes sont gérées par les ganglions de la base. Heureusement pour nous, de la même manière qu’une nouvelle habitude se forme, une ancienne habitude peut se défaire. Alors que perturber le signal déclenchant la routine améliore grandement les chances de rompre une habitude, nous vous invitons à comprendre pourquoi le contexte dans lequel vous vous trouvez vous pousse à adopter des habitudes qui vous nuisent. C’est grâce à cette identification qu’il vous sera possible d’adopter les mesures appropriées.
Comme discuté dans notre livre4, chaque projet de vie n’existe que parce qu’il y a un ensembles d’habitudes pour le faire exister. Changer vos habitudes, c’est donc changer votre vie.
Références
- Wikipédia. Les ganglions de la base
- Charles Duhigg. Le pouvoir des habitudes : Changer un rien pour tout changer. 2013
- Wikipédia. Cortex préfrontal
- Fit for Life. La nutrition appliquée pour le débutant. Ch 7 : Un système basé sur les habitudes